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La patience en photographie animalière et l'importance d'accepter de ne rien voir

Dans une société où l'instantanéité prime, la patience devient une vertu rare, notamment en photographie animalière. Beaucoup de personnes abandonnent face à la difficulté d'observer des animaux, tandis que d'autres rejettent catégoriquement les affûts, préférant l'action à l'attente. Cependant, sans cette patience, il est impossible de pratiquer la photographie animalière dans des conditions optimales. Je vais vous expliquer en détail pourquoi cette qualité est essentielle.

Certaines espèces animales se laissent photographier plus facilement que d’autres et sont donc moins sensibles au dérangement. Par exemple, un Bouquetin des Alpes est bien plus facile à capturer en photo qu’un Loup gris. Toutefois, peu importe l’espèce, il est essentiel d’adopter un comportement éthique et respectueux. S’approcher d’un Bouquetin en hurlant et en brandissant son téléphone n’est certainement pas une attitude appropriée, même si l’animal peut sembler tolérant.

Pour photographier des espèces plus sensibles ou pendant des périodes délicates, comme la reproduction, il est crucial d’avoir une expérience solide et d’agir avec rigueur. L’affût devient indispensable, et la patience est primordiale. Il faut également être prêt à renoncer à déclencher l’appareil photo lorsque la situation l’exige. Parfois, même le bruit d’un déclencheur peut perturber un animal. Il est donc vital d’apprendre à gérer cette frustration, en choisissant de ne pas prendre de photo pour préserver la tranquillité de l’animal. Cette notion est souvent la plus difficile à maîtriser pour les débutants en photographie animalière, car notre société valorise le “tout, tout de suite”, comme le souligne si bien Sylvain Tesson.


À l’apogée des réseaux sociaux, de nombreux photographes animaliers partagent leurs œuvres, suscitant l’envie d’autres d’explorer la faune sauvage et de ressentir des émotions intenses. Mais à quel prix ? Aujourd’hui, ce ne sont plus l’authenticité et le travail qui priment, mais les likes et le nombre d’abonnés, qui déterminent notre valeur aux yeux de la société, souvent au détriment de notre sensibilité.

Cette quête de reconnaissance a des répercussions sur la biodiversité, engendrant l’émergence de fauxtographes prêts à tout pour des likes, sans tenir compte de l’éthique ou du dérangement qu’ils causent. J’ai été témoin de comportements incroyables, comme des individus courant après des hardes de cerfs dans l’espoir de les photographier, ou d’autres “dirigeant” des Bouquetins des Alpes pour faciliter la prise de vue de leurs amis. Vous conviendrez que de tels comportements sont inacceptables, et c’est précisément pour cette raison que je m’engage à écrire des articles de sensibilisation.

Il est crucial de se détacher de son image sur les réseaux sociaux et de s’inspirer pleinement de la nature, en plaçant le bien-être des animaux au-dessus de la recherche de résultats. Lorsque vous adopterez cette approche, vous découvrirez que la nature vous gratifie par des rencontres exceptionnelles !



Blaireau européen (Meles meles)

Mais alors, comment réussir ses images sans déranger ? Le risque zéro n’existe pas, et aucun photographe animalier n’est parfait, moi la première ! Lorsque l'on débute, je recommande de faire des affûts, qui sont l'un des meilleurs moyens d’éviter de déranger. En effet, l’approche peut s'avérer trop délicate pour un photographe novice. Je prévois d'écrire un article plus détaillé à ce sujet, mais je vous encourage vivement à participer à des stages photo avec des photographes animaliers qualifiés pour approfondir vos connaissances.

Avec l’expérience et de nombreuses heures passées sur le terrain, vous pourrez envisager des approches, mais cela dépend des espèces. Lorsqu’il s’agit de loges, de jeunes animaux (comme les renardeaux), d’espèces sensibles (comme le Loup gris) ou de périodes sensibles (comme la reproduction), il est crucial de privilégier les affûts, parfois même sur plusieurs jours au même endroit. Pour certaines espèces, il peut être sage de choisir de ne pas les photographier (c'est le cas pour moi avec le Grand Tétras dans les Pyrénées, par exemple).

C'est le seul moyen d’obtenir de belles images d’animaux sensibles ou en périodes délicates. Ne tombez pas dans le piège de vouloir toujours vous rapprocher davantage ou de ressentir de la frustration si l’animal ne passe pas devant votre affût au bon moment. Rappelez-vous, la quiétude de l’animal doit passer avant le résultat. Apprendre à gérer sa frustration est essentiel ; sans cela, vous aurez du mal à progresser et à photographier des animaux qui ne vous remarquent même pas et qui ignorent votre présence.

N’oubliez pas que le dérangement répété peut parfois être fatal pour les animaux, en particulier pour les espèces sensibles ou pendant les périodes critiques. J’ai déjà abordé ce sujet dans un autre article en prenant l’exemple du brame du Cerf élaphe, mais ce principe s’applique à toutes les autres périodes et espèces animales. Si vous souhaitez approfondir ce sujet, vous pouvez le lire ici : Brame : dérangement et problème d'éthique.

Je tiens également à vous rappeler que nourrir des animaux pour les attirer devant votre affût n’est pas une solution. Il est essentiel d'apprendre à faire preuve de patience et d'accepter le fait de ne rien voir parfois. Croyez-moi, si vous persévérez, la nature vous le rendra et le résultat sera tout simplement fabuleux ! Obtenir tout, tout de suite, n’a pas la même saveur qu’un résultat obtenu après des jours, des semaines, des mois, voire des années d’attente. Ce processus peut être long et difficile, et il peut vous arriver d'avoir envie d'abandonner, mais je vous assure que vous ne le regretterez pas. J’ai également écrit un article sur le nourrissage et les conséquences que cela peut engendrer : Nourrir les animaux sauvages : bonne ou mauvaise idée ?

Bœuf musqué (Ovibos moschatus)

Vous l’aurez compris, être photographe animalier n’est pas une tâche facile. Il est crucial de maîtriser de nombreuses notions pour pratiquer de manière éthique. De plus, passer beaucoup d’heures sur le terrain est essentiel pour acquérir l’expérience nécessaire à la photographie d’espèces plus sensibles ou lors de périodes critiques. N'hésitez pas à suivre des stages photo, que ce soit pour apprendre les bases ou pour vous perfectionner. C'est une excellente initiative, car même le "meilleur" des photographes animaliers continue d'apprendre chaque jour.

Il est important de se rappeler que personne n'est parfait et qu'il n'existe pas de risque zéro. S'efforcer de bien faire, tout en reconnaissant que des dérangements peuvent parfois survenir, est toujours préférable à déranger intentionnellement un animal pour obtenir LA photo, sans se soucier des conséquences.

Pourquoi faut-il garder les spots de photographie animalière secrets ?
À l’apogée des réseaux sociaux, la photographie animalière attire un nombre croissant de passionnés, désireux de capturer des moments forts avec la faune sauvage ou simplement d’obtenir des likes. Cependant, cette discipline exige patience et expertise pour minimiser le dérangement des animaux. Il est fréquent que les photographes reçoivent des demandes pour des "spots" secrets. Ce n’est pas pour les mêmes raisons que l’on garde un coin à champignon pour soi, voici pourquoi il est crucial de préserver ces lieux.