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Pourquoi faut-il garder les spots de photographie animalière secrets ?

À l’apogée des réseaux sociaux, la photographie animalière attire un nombre croissant de passionnés, désireux de capturer des moments forts avec la faune sauvage ou simplement d’obtenir des likes. Cependant, cette discipline exige patience et expertise pour minimiser le dérangement des animaux. Il est fréquent que les photographes reçoivent des demandes pour des "spots" secrets. Ce n’est pas pour les mêmes raisons que l’on garde un coin à champignon pour soi, voici pourquoi il est crucial de préserver ces lieux.

Le dérangement, la première raison de rester discret


La photographie animalière attire de nombreuses personnes, mais il est essentiel de reconnaître que toutes ne partagent pas une approche éthique. Cela inclut des débutants mal informés ainsi que des individus ayant des intentions discutables. Les dérangements répétés, en particulier durant les périodes critiques comme l’hiver, la reproduction ou les naissances, peuvent avoir des conséquences graves pour la faune, notamment pour des espèces sensibles comme le Grand Tétras ou le Grand-duc d’Europe. Ces dérangements peuvent compromettre la reproduction et entraîner la mort des animaux les plus vulnérables. Il est crucial de ne pas minimiser ces impacts. Pour cette raison, il est fortement recommandé d’apprendre auprès d’un formateur en photographie animalière, afin de réduire au maximum son empreinte sur la nature.


Cependant, ce n'est pas le seul problème. La surfréquentation de certains lieux par les photographes animaliers peut également être dérangeante en raison de leur simple présence. Prenons l'exemple de l'aire de nidification du Gypaète barbu dans les Pyrénées-Orientales : une année, des guides de haute montagne et de nombreux photographes ont pris connaissance de cet endroit. La fréquentation était si élevée, avec des groupes régulièrement conduits par les guides et des photographes qui se partageaient l'information, que la reproduction a échoué et le couple a finalement abandonné son aire.


Un autre exemple concerne le tourisme autour du brame, qui a également perturbé la reproduction dans certaines zones (je détaille ce sujet dans cet autre article). Si les sites de brame et l'aire de nidification avaient été gardés secrets, aurait-il eu autant de dérangement ? Bien qu'il existe toujours un certain degré de dérangement (chasse, chiens errants, bruits, photographes non éthiques, etc.), il y aurait certainement eu moins de pression sur ces zones sensibles.


Le simple fait d'être trop nombreux dans la nature peut être perturbant : certaines zones, par exemple, accueillent plus de 20 photographes pour le brame du cerf. Cela a des conséquences, comme des brames qui se produisent principalement la nuit et un déplacement des cerfs vers des altitudes de plus en plus élevées. Il est crucial de limiter la taille des groupes, de privilégier les affûts, et d'éviter de déranger les espèces sensibles, surtout pour les débutants. La véritable récompense viendra avec le temps, lorsque vous serez mieux formé. Et surtout, il est essentiel de cesser de se concentrer uniquement sur les likes que pourrait générer la photographie d'une espèce spécifique.


Isard des Pyrénées (Rupicapra pyrenaica pyrenaica)

Mes conseils pour limiter le dérangement en gardant son spot de photographie animalière secret


ÉVITER LES STORIES EN MONTRANT UN PAYSAGE CARACTÉRISTIQUE 

Un détail bien reconnaissable, comme une montagne ou une curiosité géologique, peut vous trahir. Pensez à vendre du rêve dans vos stories, tout en restant vigilant ! L'objectif est de limiter le flux de personnes sur votre spot.


NE PAS DONNER D’INDICE DANS VOS DESCRIPTIONS

Pas de mention de lieu exact ; restez aussi flou que possible (par exemple, indiquez uniquement le massif, le département, ou simplement le pays). Faites également attention aux commentaires laissés sur vos publications.


ÉVITER DE PUBLIER DES PHOTOS DE PÉRIODE SENSIBLE EN PÉRIODE SENSIBLE

Pour éviter d'encourager les foules à se rendre au brame du Cerf élaphe, à la sortie des renardeaux ou au rut du Lynx boréal, gardez vos photos dans vos disques durs et publiez-les plus tard. Cela permettra également d'éviter qu'elles se perdent parmi la masse de clichés identiques.


EXPLIQUER LE DANGER DU DÉRANGEMENT QUAND VOUS PHOTOGRAPHIEZ UNE ESPÈCE SENSIBLE

Si vous avez une magnifique photo de Grand Tétras que vous souhaitez publier, pensez à rappeler les conséquences du dérangement sur cette espèce. Cela peut dissuader d'autres photographes moins expérimentés de s'approcher et de perturber ces oiseaux sensibles. Mettre en avant l'importance de préserver leur habitat et leur tranquillité peut aider à sensibiliser votre audience et à limiter le dérangement.


LIMITER LE NOMBRE DE PARTICIPANT EN STAGE PHOTO ET ÉVITER LES PÉRIODES/ESPÈCES SENSIBLES

L’objectif d’un stage photo doit avant tout être de sensibiliser les photographes et de leur enseigner comment se comporter de manière éthique dans la nature. Il ne s'agit pas simplement d'emmener de gros groupes pour augmenter les bénéfices. Pendant le stage, il est essentiel d'expliquer aux participants pourquoi il est crucial d'éviter certaines périodes sensibles et certaines espèces, surtout lorsqu'ils débutent. Cela favorisera une approche respectueuse et durable de la photographie animalière.

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OSER PRENDRE DES COURS POUR SE PERFECTIONNER EN PHOTOGRAPHIE ANIMALIÈRE

Les cours de photographie animalière reviennent sur les bases et les techniques nécessaires pour capturer des images sans déranger la faune sauvage. Que vous soyez débutant ou déjà expérimenté, il est toujours bénéfique de progresser et d'apprendre à minimiser son impact lors de vos sorties en nature !


METTRE EN DONNÉE PRIVÉE LES ESPÈCES SENSIBLES SUR LES SITES DE SUIVIS (FAUNE FRANCE, ORNITHO CAT, ETC.)

Certaines espèces bénéficient d'une protection par données privées automatiquement, mais ce n'est pas le cas de toutes. L'objectif est d'empêcher que des membres, qui utilisent cette application uniquement pour obtenir des spots sans se soucier du dérangement, aient accès à ces informations et puissent photographier des espèces sensibles.


TOUJOURS EXPLIQUER POURQUOI VOUS REFUSEZ DE DONNER VOTRE SPOT

Ce type de demandes peut être frustrant, mais il est important de toujours répondre de manière calme et pédagogique en expliquant les raisons de votre refus. Cela peut contribuer à faire évoluer les mentalités !


Traquet rubicole (Saxicola rubicola)


J'ai rédigé cet article non pas pour blâmer ceux qui demandent des spots, mais pour expliquer de manière pédagogique pourquoi il est important de garder certaines zones secrètes. Nous avons tous fait des erreurs ; personnellement, j'ai appris la mienne en ne mettant pas le Hibou moyen-duc en données privées sur Faune France. Après une discussion avec deux instagrameuses, j'ai réalisé que tous les membres de ces organismes de suivi n'étaient pas toujours animés par un véritable amour de la nature. Elles trouvaient les spots de rapaces nocturnes sans se soucier des conséquences, uniquement pour obtenir des likes, sans être de véritables photographes.


Aujourd'hui, j'ai appris de mes erreurs, tout comme pour mon article sur le brame. Mon but est de partager ces réflexions pour aider d'autres à éviter des situations similaires. Je n'impose pas aux photographes de garder leurs spots secrets, chacun est libre de ses choix. Toutefois, je vous invite à réfléchir aux conséquences de partager vos lieux de prise de vue.


Les contributions aux organismes de suivi tels que Faune France, Ornitho Cat, et autres, sont cruciales ! Ne laissez pas les actions de personnes malintentionnées vous décourager. Continuez à noter vos observations pour permettre aux associations naturalistes d'établir des suivis efficaces. Votre engagement aide à préserver la faune et à protéger les habitats naturels. Chaque observation compte et peut faire une réelle différence dans la compréhension et la conservation des espèces.

Nourrir les animaux sauvages, bonne ou mauvaise idée ?
À l'approche de l'hiver, j'ai observé de nombreuses personnes souhaitant nourrir les animaux sauvages dans le but de les "aider" à traverser cette saison difficile. Mais est-ce vraiment une bonne idée ? Explorons cette question ensemble !