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Pourquoi faut-il garder les spots de photographie animalière secrets ?

À l’apogée des réseaux sociaux, la photographie donne à de plus en plus de personnes l’envie de se lancer. Parmi les disciplines qui la composent, l’animalier attire énormément : rencontrer des animaux sauvages pour pouvoir vivre ces mêmes moments puissants, ou simplement pour avoir des likes sur les réseaux sociaux. La photographie animalière est une pratique difficile, qui nécessite beaucoup d’heures sur le terrain et des connaissances techniques afin de limiter le dérangement. N’importe quel photographe a reçu au moins une fois, un message demandant un spot. Mais quelle est l’importance de garder ses coins secrets ? Non, ce n’est pas pour les mêmes raisons que l’on garde un coin à champignon pour soi, je vous explique tout cela !

Le dérangement, la première raison de rester discret


Toutes les personnes souhaitant se lancer dans la photographie animalière ne sont pas forcément éthiques : des débutants qui ne s’y connaissent pas bien, des personnes malintentionnées, etc. Des dérangements répétés peuvent avoir de lourdes conséquences : surtout en période hivernale, de reproduction ou de naissances ; ou encore sur des espèces très sensibles (Grand Tétras, Grand-duc d’Europe, etc.). La reproduction peut être entièrement corrompue, les plus faibles et plus sensibles peuvent y laisser la vie. Il ne faut pas prendre ces détails à la légère, c’est pour cela qu’il est conseillé d’apprendre avec un formateur de photographie animalière pour limiter son impact le plus possible dans la nature.


Toutefois, il n’y a pas que ce problème. La surfréquentation de certains spots par les photographes animaliers dérange, par leur simple présence… Pour donner un exemple concret, parlons de l’aire de nidification de Gypaète barbu dans les Pyrénées-Orientales : une année, des guides de haute-montagne ainsi que pas mal de photographes ont découvert l’existence de cette fameuse aire. Il y avait tellement de passages (les guides emmenaient régulièrement des groupes, les photographes se donnaient le mot) que la reproduction a échoué et le couple a déserté l’aire. Autre exemple également concret, le tourisme qui s’est déroulé autour du brame qui a totalement perturbé la reproduction à certains endroits (j'en parle en détail dans cet article-là). Si les places de brames et l’aire de nidification avaient été gardées secrètes, est-ce qu’il y aurait eu autant de dérangement ? Je ne pense pas, même s’il y a forcément un minimum de dérangement (chiens errants, chasses, personnes bruyantes, photographes non éthiques, etc.), il y aurait forcément eu moins de brassage sur ces zones concentrées.


Le simple fait d’être trop nombreux dans la nature peut déranger : il y a des zones où il y a plus de 20 photographes pour le brame du cerf. Résultat ? Brame de nuit, déplacement de plus en plus haut en altitude, etc. Il est important de limiter les groupes, de prioriser les affûts, d’éviter les périodes et espèces sensibles en débutant (la récompense ne sera que magique si vous attendez d’être plus formé !) et surtout : d’arrêter de penser aux likes que génèreront telle ou telle espèce.

Isard des Pyrénées (Rupicapra pyrenaica pyrenaica)

Mes conseils pour limiter le dérangement en gardant son spot de photographie animalière secret


ÉVITER LES STORIES EN MONTRANT UN PAYSAGE CARACTÉRISTIQUE 

Un détail bien reconnaissable comme une montagne ou une curiosité géologique connu peut vous avoir. Vendez du rêve en story en faisant attention ! Le but est de limiter le brassage de personnes sur votre spot.


NE PAS DONNER D’INDICE DANS VOS DESCRIPTIONS

Pas de lieu exact, soyez le plus flou possible (par exemple, je mets uniquement le département et le pays). Faites également attention aux commentaires.


ÉVITER DE PUBLIER DES PHOTOS DE PÉRIODE SENSIBLE EN PÉRIODE SENSIBLE

Afin de ne pas donner envie à tout le monde de se rendre au brame du cerf, à la sortie des renardeaux ou au rut du lynx : gardez vos photos dans vos disques durs et publiez-les plus tard. De plus, cela évitera qu’elles se noient dans la masse de photos identiques.


EXPLIQUER LE DANGER DU DÉRANGEMENT QUAND VOUS PHOTOGRAPHIEZ UNE ESPÈCE SENSIBLE

Vous avez une magnifique photo de Grand Tétras et vous souhaitez la publier ? Rappelez les conséquences du dérangement sur cette espèce, pour éviter un maximum de donner envie aux autres photographes non aguerris de le photographier.


LIMITER LE NOMBRE DE PARTICIPANT EN STAGE PHOTO ET ÉVITER LES PÉRIODES/ESPÈCES SENSIBLES

L’objectif d’un stage photo est avant tout de sensibiliser les photographes et de leur apprendre à mieux se comporter dans la nature, pas d’emmener des gros groupes pour que l’addition finale soit plus salée. N’oubliez pas de leur expliquer pendant le déroulement du stage pourquoi il faut éviter certaines périodes et espèces en débutant

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OSER PRENDRE DES COURS POUR SE PERFECTIONNER EN PHOTOGRAPHIE ANIMALIÈRE

Les cours de photographie animalière reprennent les bases et techniques pour photographier sans déranger la faune sauvage. Que vous soyez débutant ou non, il est toujours bon de progresser et de limiter son impact pendant les sorties nature !


METTRE EN DONNÉE PRIVÉE LES ESPÈCES SENSIBLES SUR LES SITES DE SUIVIS (FAUNE FRANCE, ORNITHO CAT, ETC.)

Certaines espèces sont en données privées automatiquement, mais pas toutes ! L’idée est d’éviter que des membres - qui utilisent cette application uniquement pour avoir des spots facilement sans se soucier du dérangement - aient accès à ces données et photographient une espèce sensible.


TOUJOURS EXPLIQUER POURQUOI VOUS REFUSEZ DE DONNER VOTRE SPOT

Ce genre de demandes peut être agaçant, mais n’oubliez pas de toujours rappeler de manière calme et pédagogique pourquoi vous refusez. Cela peut changer des mentalités !

Traquet rubicole (Saxicola rubicola)


J’ai fait cet article, non pas pour remonter les bretelles de toutes les personnes qui demandent les spots, mais pour expliquer plus longuement (et toujours de manière pédagogique) pourquoi il faut garder ses spots secrets. Nous faisons tous des erreurs, moi-même j’ai réalisé une de mes erreurs (celle de ne pas mettre le Hibou moyen-duc en donnée privée sur Faune France) après une discussion avec deux instagrameuses : j’ai pu également me rendre compte que tous les membres de ces organismes de suivi n’étaient pas tous dans le suivi naturaliste et dans l’amour des animaux… elles trouvaient les spots de rapaces nocturnes de cette façon, sans se soucier une seule seconde de leurs conséquences (et tout cela uniquement pour les likes, elles n’étaient absolument pas photographe). Aujourd’hui, j’ai appris de mes erreurs (comme pour mon article pour le brame) et c’est pour cela que mon article pourra être utile pour beaucoup d’entre vous ! L’idée n’est pas non plus d’ordonner à tous les photographes de garder les spots secrets, chacun fait ce qu’il veut. Mais pensez désormais aux conséquences d’afficher ses coins.


PS : les contributions aux organismes de suivi comme Faune France, Ornitho Cat, etc. sont très importantes ! Ne vous arrêtez pas à des personnes malintentionnées et continuez de noter vos observations pour que des associations naturalistes puissent établir des suivis.

Nourrir les animaux sauvages, bonne ou mauvaise idée ?
À l’arrivée de l’hiver, j’ai remarqué à plusieurs reprises des personnes souhaitant nourrir les animaux sauvages pour les “aider” à traverser la saison sans encombre. Mais est-ce réellement une bonne idée ? Nous allons voir cela ensemble !